Carte verte pour un Amérindien né au Canada
16 mars 2023Présentation du visa E-2 par Maud Poudat
1 août 2023Nouvelles exigences en matière de résidence et ressortissants portugais éligibles
Le 15 décembre 2022, le Congrès a adopté la loi James M. Inhofe National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2023 (la « 2023 NDAA »), qui contient deux changements clés concernant l’éligibilité aux visas E :
Premièrement, le Portugal est désormais désigné comme un pays signataire du traité sur les visas E. Ainsi, les détenteurs de passeports portugais peuvent obtenir des visas commerciaux E-1 et d’investisseur E-2.
Deuxièmement, la NDAA 2023 a introduit une limitation à l’éligibilité à un visa E en ajoutant une nouvelle exigence. Ainsi les demandeurs de visa E qui ont acquis la citoyenneté d’un pays signataire d’un traité par le biais d’un investissement financier doivent avoir été « domiciliés » dans le pays signataire du traité pendant « une période continue d’au moins trois ans sans interruption » avant de demander le visa E.
A noter : cette nouvelle exigence ne s’applique pas aux détenteurs de visas E existants ou antérieurs.
L’objectif de cette disposition est de limiter une voie d’accès à la résidence aux États-Unis qui était auparavant ouverte aux personnes ayant demandé à bénéficier des programmes de citoyenneté par l’investissement dans certains pays signataires du traité sur le visa E, principalement la Grenade.
Dans ces scénarios, la personne originaire d’un pays non-signataire du traité sur le visa E pouvait obtenir la citoyenneté de la Grenade par le biais d’un investissement, puis utiliser sa nouvelle citoyenneté grenadine pour demander un visa E.
Ainsi, la détention du passeport grenadin permettait pour ces personnes d’obtenir un visa E.
Les personnes originaires de pays où la migration par le biais d’investissement est populaire, comme l’Inde et la Chine, souhaitent depuis longtemps se rendre aux États-Unis pour y suivre des études, y investir ou y prendre leur retraite, entre autres raisons. La Chine et l’Inde n’étant pas des pays signataires du traité sur le visa E, les personnes originaires de ces pays ont moins de possibilités d’émigrer aux États-Unis, en particulier si elles n’ont pas de membre de leur famille remplissant les conditions requises. L’obtention de la nationalité d’un pays tel que la Grenade est devenue une démarche intéressante pour accéder aux États-Unis. En effet, le visa E présente de nombreux avantages, tels qu’un investissement relativement faible, la possibilité d’inclure les conjoints et les enfants à charge de moins de 21 ans avec un seul investissement, de longues périodes de validité du visa et la possibilité de renouveler le visa E indéfiniment.
Pour certains, cette disposition prend effet immédiatement. Ainsi, un individu qui a fait, ou a l’intention de faire, un investissement dans un pays de citoyenneté par investissement éligible à un visa E se retrouve nouvellement inéligible à ce visa E, à moins qu’il ne puisse démontrer qu’il a « …été domicilié pendant une période continue d’au moins trois ans à sans interruption avant de faire une demande… » de visa E.
Le terme « domicile » ne figure pas dans le NDAA 2023, et la manière dont le Département d’État américain appliquera cette exigence aux demandeurs de visa E n’est pas claire.
Le terme « domicile » dans la législation américaine relative à l’immigration a fait l’objet de changements et de litiges au fil des ans, car la loi sur l’immigration et la nationalité (INA) ne définit généralement pas le terme « domicile ».
Dans d’autres contextes, tels que l’utilisation du terme « domicile » dans le cadre de l’INA 213A interprété par le département d’État (la disposition de la loi relative au domicile d’un parrain américain), le terme « domicile » désigne le lieu où une personne a sa résidence principale avec l’intention de conserver cette résidence dans un avenir prévisible.
Dans ce contexte, selon le Foreign Affairs Manual publié par le département d’État, la preuve qu’un individu est « domicilié » aux États-Unis peut inclure :
- – l’ouverture d’un compte bancaire ;
- – le transfert de fonds vers les États-Unis ;
- – la réalisation d’investissements aux États-Unis ;
- – la recherche d’un emploi aux États-Unis ;
- – l’inscription des enfants dans les écoles américaines ;
- – la demande d’un numéro de sécurité sociale ; et
- – le vote lors d’élections locales, d’État ou fédérales.
Cette interprétation du département d’État est généralement cohérente avec d’autres domaines de la législation américaine sur l’immigration qui définissent le « domicile », tels que certains domaines de la législation définissant la citoyenneté américaine des enfants adoptés[3] et des résidents du Commonwealth des îles Mariannes du Nord[4], qui définissent aussi généralement le « domicile » comme le lieu où une personne maintient une résidence avec l’intention de résider dans ce lieu pour une période indéfinie. Ces définitions sont conformes à l’interprétation du terme « domicile » selon la loi commune, qui définit également le « domicile » comme « le foyer véritable, fixe, principal et permanent d’une personne, où elle a l’intention de retourner et de demeurer, même si elle réside actuellement ailleurs »[5].
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un examen exhaustif de la législation américaine relative au terme « domicile », il donne une idée générale de ce à quoi il faut s’attendre une fois que le département d’État aura annoncé des orientations sur ce changement de législation.
L’application de ces orientations à la nouvelle exigence du visa E relative au « domicile » pourrait conduire à demander au requérant de prouver qu’il réside dans le pays signataire de la convention, et que dans ce pays il a des investissements, des comptes bancaires, des fonds, qu’il y a un emploi, qu’il participe aux élections et/ou à la vie civique du pays et/ou, le cas échéant, que ses enfants fréquentent des écoles du pays concerné.
En outre, comme dans la plupart des domaines de la législation américaine en matière d’immigration, il ne s’agit pas d’une approche unique, et il faut s’attendre à un examen de l’ensemble des circonstances à la discrétion de l’agent consulaire chargé de statuer sur la demande. Les personnes souhaitant demander un visa E après avoir acquis la citoyenneté par investissement devront attendre que le département d’État publie des orientations, probablement sous la forme d’une mise à jour du manuel des affaires étrangères.
Enfin, il reste à voir si ces changements dans le 2023 NDAA violent les obligations du traité des États-Unis pour les pays de visa E avec des programmes de citoyenneté par investissement (par exemple, la Grenade, la Turquie, l’Autriche, la Jordanie, etc.).
D’une manière générale, les traités de visa E exigent que chaque partie autorise et traite les activités d’investissement aux États-Unis sur une base non moins favorable que celle accordée à l’autre partie, qu’elle accorde un « traitement juste et équitable » à l’autre partie et qu’elle ne porte pas atteinte, par des moyens déraisonnables ou discriminatoires, aux investissements d’une partie, entre autres exigences[6].
Compte tenu du volume d’investissement observé dans certains de ces pays uniquement en raison de l’accès à un visa E, et du traitement moins favorable dont bénéficieront désormais les ressortissants de ces pays, en particulier par rapport à d’autres pays titulaires d’un visa E qui ne disposent pas de programmes de citoyenneté par l’investissement, il est concevable que ces pays titulaires d’un visa E soulèvent un problème diplomatique avec ces nouvelles dispositions.
[1] Voir 9 FAM 601.14-7(a)(1).
[2] Voir 9 FAM 601.14-7(a)(3).
[3] Voir INA 101(c) et INA 101(a)(33).
[4] Voir la section 1005(e) du Pacte établissant le Commonwealth des îles Mariannes du Nord en union politique avec les États-Unis (Act of Mar. 24, 1976, Public Law No. 94-241, 90 Stat. 263, 48 U.S.C. 1801). Voir également 8 FAM 302.2-4.
[5] Voir Black’s Law Dictionary (11e éd. 2019). Voir également Mississippi Band of Choctaw Indians v. Holyfield, 490 U.S. 30, 48, 109 S.Ct. 1597, 104 L.Ed.2d 29 (1989) (définissant le « domicile » comme « la présence physique dans un lieu en relation avec un certain état d’esprit concernant l’intention d’y rester »), cité dans le contexte de l’immigration par Morel v. INS, 90 F. 3d 833 (3rd Cir., 1996).
[6] Voir, par exemple, le traité entre le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie concernant l’encouragement et la protection réciproque des investissements, avec annexe et protocole, signé à Amman le 2 juillet 1997, ou le traité entre les États-Unis d’Amérique et la Grenade concernant l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Washington le 2 mai 1986.